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Le blog du team ralouf
22 mars 2018

Ailefroide Occidentale : La Devies - Gervasutti !

1000m en face Nord, une voie mythique qu’on convoitait depuis longtemps avec un mélange de respect, d’excitation et de terreur mêlées ! ED- alors que par une seule longueur ne dépasse le 5c, ça donne le ton ! Retour sur une belle aventure réalisée en septembre 2016 avec Steph et Pierre !

P1100774L'Ailefroide Occidentale, 3954m et ses 1000m de face Nord

De retour de vacances en Italie, je récupère un Rama chaud bouillant après qu’il ait passé 10 jours à courir la montagne et au passage re-coché la traversée de la Meije pour la deuxième fois de la saison et cette fois-ci en temps que guidos (amateur of course) avec le JDLL ! Coup de bol, Buddy (Pierre) est dispo le weekend où Rama (Steph) et moi le sommes aussi ! Il vient de finir sa formation de cordiste, et méga coup de bol, les conditions pour le weekend et les jours à venir sont anticycloniques !

Pour la première fois, cette année, les noms que l’on prononce depuis tant de temps sans entrevoir la demi possibilité d’aller y faire un tour pour causes de manque de temps, pour cause de météo incertaine, de manque d’entrainement ou bien de disponibilités, ou bien encore à causes d’angoisses impitoyables… Pour une fois ces noms sont prononçables, envisageables ! Et ces noms qui nous font rêver ce sont Frêney, Jorasses, Devies-Gervasutti, Cambon-Francou…

Et c’est la Devies-Gervasutti qui l’emporte !

 

On se retrouve donc tous les trois à Grenoble le vendredi 2 septembre en fin d’après-midi. Pierre arrive de chez lui après avoir fait les courses, moi je sors du boulot et Rama arrive tout simplement de Paris en train ! Heureusement qu’il a pu faire péter son aprèm de boulot, sinon on n’aurait jamais eu la moindre chance d’arriver au bivouac ce soir !

Notre stratégie a été mûrement - enfin en tout cas longuement - réfléchie, et consiste à attaquer les 4h de marche d’approche ce soir, monter au bivouac sous la face avec armes et bagagerie lourde, histoire de pouvoir bien dormir. Puis samedi abandonner les duvets et les matelas au bivouac, traverser le glacier, et enquiller les 1000m de la face ! Ensuite après un rapide passage par le sommet de l’Ailefroide Occidentale, on prévoit de descendre versant sud par la voie normale de l’Occidentale, de remonter par le Col de l’Ailefroide ou au pire celui du Sélé afin de basculer sur le versant Pilatte et ainsi ralier le refuge du même nom ! Dans nos plans les plus ambitieux on arriverait à l’heure de l’apéro au refuge de la Pilatte, quand nos plans les moins ambitieux et les plus réalistes consistent surtout à viser de ne surtout pas dormir en face Nord et d’avoir au moins dépassé le sommet avant de bivouaquer, et on avisera bien où on pourra dormir dans la descente ! Si ce plan se déroule normalement, on devrait donc rejoindre la Pilatte le samedi soir ou le dimanche matin, puis le dimanche aprèm il faudra s’enquiller le long Vallon de la Pilatte, puis remonter au bivouac sous la face, récupérer nos duvets, et là, définitivement détruits, rentrer à la Bérarde pour une bière bien méritée ! Et puis rentrer à Grenoble et Paris pour Steph avant de reprendre le boulot le lundi matin.

On sait et on verra une fois de plus que les plans les plus formidablement établis sont souvent faits pour être modifiés !

 

P1100775

On arrive à la Bérarde, on boucle les sacs puis on attaque la marche d’approche. Pour aller au bivouac, il y a deux possibilités : soit monter par le refuge Temple-Écrins puis suivre une vire dont certains compte rendus annoncent qu’elle est franchement infâme. Soit il y a l’option du topo Cambon qui annonce 4h par le Ravin de Cloute Favier, que personne ne connaît et dont personne ne parle. Alors on s’est dit qu’on allait aller voir par Cloute Favier et son fameux Ravin… bien bien bien première connerie ! En alpinisme il faut savoir que quand personne ne parle d’un passage, il faut bien comprendre que ça ne veut pas forcément dire que personne ne va dedans ! Par contre ça veut bien souvent dire que tout le monde but dedans, ou alors que ceux qui ne buttent pas sont sortis tellement verts de trouille, qu’ils n’ont pas osé en parler tellement la face arrière de leur pantalon a été retapissée ! Bref on est donc passé par Cloute Favier, on a vu, on est passé, mais on a un peu tremblé !

En gros il n’y a pas de chemin. Le ravin est fréquenté par une cascade qui s’est octroyé tout le fond du vallon, et qui nécessite de multiples sauts de cabris sur pierres verdâtres ultra glissantes, traversées de torrents impétueux terrifiants, puis l’extraction du ravin proprement dit se fait par des pentes de terre à 70°. Une pratique non recensée dans les disciplines alpines classiques mais qui requière pourtant au moins autant d’investissement mental qu’un solo en cascade de glace sans crampons. Bref, une fois sorti du Ravin, rien n’est plus sûr pour la suite, à part que l’on ne repassera jamais par là, ni en cas de but, ni pour revenir chercher nos duvets !

P1100778Pierre et Steph observe le monstre à la sortie du ravin de Cloute Favier

Une fois cette cascade franchie, on arrive dans un grand cirque que l’on remonte sans croiser le moindre signe de vie jusqu’à la langue terminale du glacier, endroit où l’on sait que nous devrions trouver des emplacements de bivouac.

C’est le moment précis que choisit vicieusement la nuit pour tomber brutalement et totalement. Nous coiffant sans crier gare dans des pentes d’éboulis encore bien raides, sans avoir eu le temps de repérer la moindre trace de bivouac ni la moindre trace de source (bien entendu nous sommes montés sans eau) (il eut été bien trop facile de recharger dans le torrent traversé à de maintes reprises dans le Ravin…).

Moment de flottement, Rama part à droite, Pierre à Gauche, je ne bouge plus. Et finalement au bout d’un quart d’heure de doutes, dans le noir total, les degrés s’effondrant par tranche de 10, Rama annonce la découverte d’une source au même moment où Pierre nous annonce la découverte d’un bivouac ! Ascenseur émotionnel, le moral remonte ! On se rejoint tous au spot de bivouac, bien confortable dans l’herbe grasse au pied d’une falaise qui abrite des pierres, et nous finissons par nous installer sur les karimats.

Aahh qu’il est bon de se poser enfin, rassérénés par la découverte d’une trace d’humanité qu’est la présence du mur de bivouac, loin des doutes existentiels qui nous assayaient 5min avant… !

Et puis là boum, patatra, énorme éboulement dans la face Nord de notre Ailefroide !

Ça pète dans tous les sens ! On entend sans les voir les blocs énormes qui débaroulent dans la nuit, et pas juste de la petite mitraille ! Même si on sait qu’il y a le glacier qui fait rempart entre nous et le bas de la face, de nuit, sans voir où ça tombe, ça fait quand même sacrément bizarre ! Là subitement tous les doutes reviennent, l’ascenseur émotionnel classique repart vers le bas ! « Et s’il faisait trop chauds demain, et si la face ne regelait pas cette nuit et qu’on se retrouvait à faire 1000m exposés aux chutes de pierres ? » Une deuxième fournée de cailloux vient confirmer nos doutes, puis ça finit tout de même par se calmer. A force de discussions, on finit par se raisonner et se dire que ces éboulements partent plutôt du côté Glacier Long, et que de notre côté sur le pilier que l’on vise, nous devrions être relativement bien abrités. Et puis quand même on se les caille bien, d’ici demain ça va bien finir par regeler proprement.

Thé, semoule, bivouac à tcharer tranquillement posés, repos, dodo !

Et puis réveil 3h30 du mat ! Raaaah mais quelle horreur ces réveils en montagne ! Il faut tout le temps se lever méga tôt, à une heure où il fait outrageusement froid, n’importe quelle personne dotée d’un chouïa de bon sens resterait au chaud dans son duvet en attendant que le soleil vienne lécher son visage avant d’en sortir, et encore, il attendrait encore au moins 30 minutes de plus le temps que la température continue de monter avant d’en sortir ! Mais non ! Là il faut se lever maintenant pour aller crapahuter sur un glacier qu’on n’a pas pu repérer la veille, le tout par une nuit sans lune et même dirait-on sans étoiles ! Une pom-potte syndicale plus tard et nous voilà partis sur le fameux glacier, ou plutôt dans le glacier ! En effet nous ne voyons pas plus loin que le faisceau de nos frontales et du coup nous nous dirigeons totalement au feeling vers le point le plus noir de la nuit : la face nord d’Ailefroide.

Et pour se faire nous croisons toutes les crevasses que ce mini glacier peut proposer ! C’est bien, ça réveil de descendre et remonter ce champ d’arêtes de glace acérées de bon matin !

P1100782Promenade matinale dans les crevasses du glacier de Coste Rouge pour accéder au pied de la face

Puis nous arrivons au pied de la face au niveau d’un grand cône de neige. Toujours dans le noir complet, nous le remontons sur sa gauche en partant du principe que nous sommes au bon endroit et que ce cône de neige est le déversoir du couloir de Coste Rouge. Arrivés à la rimaye, il ne fait toujours pas jour ! Pourtant il est 6h du mat passé, un peu bêtement nous espérerions qu’il ferait jour à cette heure-là ! Nous descendons dans la rimaye qui fait bien ses 10m de profondeur puis prenons pied sur la roche au fond du gouffre. Nouveau moment de doute, est-on bien au bon endroit ? On ne voit aucun matos en place, rien qui indique que le départ est bien là, mais il y a quand même un petit dièdre qui a l’air pas trop dur qui permettrait de sortir du gouffre, et ensuite on dirait que ça se couche. Rama attaque, il est 6h20.

P1100788La bonne grosse rimaye béante au pied de la voie

On a un essai ! Soit l’itinéraire est là et ce sera bon pour nous : on pourra avoir notre ticket et essayer de grimper la face, soit ce n’est pas là et alors nous n’aurons plus qu’à plier bagages et signer le but car pas assez de marge horaire pour faire une deuxième tentative à un autre endroit.

P1100787A l'attaque, en espérant que ce soit bien là !

Rama grimpe, d’abord doucement, puis prend le rythme, sort dans une zone couchée où on ne le voit plus, puis annonce fièrement un relais en place ! Ça y est c’est bien parti, on est au bon endroit ! On va pouvoir attaquer à grimper cette fameuse Devies - Gervasutti !

La grimpe est d’abord vraiment cool, le premier morceau de la face sert d’échauffement et va crescendo : on remonte des fissures cheminées faciles qui permettent d’accéder au grand dièdre de la partie basse. Le grand dièdre en question se remonte sur sa droite sur une bonne centaine de mètres par du rocher impeccable, qui va en se raidissant petit à petit. A partir de là, Rama se met à taper des longueurs, jusqu’à sortir complètement du dièdre.

P1100790Rama à l'attaque du grand dièdre

P1100792Le Glacier de Coste Rouge traversé en pleine nuit

P1100793Levé de soleil sur l'Aiguille du Plat de la Selle

DSCN0851Sortie du grand dièdre, déjà 200m de cailloux sous les pattes

De là on prend une petite vire à gauche, on traverse assez vite le couloir de Coste Rouge, connu comme étant LA zone très mal famée du bas de la face, car drainant la totalité des chutes de pierre du haut de la face. Mais aujourd’hui les environs sont sereins, pas un bruit de cailloux depuis notre départ. Un petit pas un peu plus dur pour sortir du couloir et nous voilà dans des pentes beaucoup moins raides qui mènent facilement jusqu’au pied de la Tour Rouge. Rama a jusqu’alors tout pris en tête, on a décidé d’essayer de se répartir la face en 1/3 chacun en tête, pour ne pas avoir trop de manipes de corde à faire en changeant trop de fois de leader. Rama est chaud de continuer et c’est donc lui qui attaque les premières longueurs de la Tour Rouge, du bon V+ qui grimpe ! La première longueur est un dièdre qui se fini en cheminée, avec des prises arrondies pas facile à serrer du tout, mais le rama avance comme un chef, en protégeant sereinement et en avançant à un bon rythme. Ça fait 2h qu’on a attaqué, on est bien dans les temps, la météo est stable, le moral est bon, tout va bien !

P1100795Steph en tête dans la première longueur de la Tour Rouge

Buddy et moi remontons jusqu’à Steph puis s’en suit une deuxième longueur en fissure en V+ également, mais qui ne pose toujours aucun souci au Rama, ça fait plaisir de le voir bien avancer ! Ensuite une longueur plus facile puis on arrive au dièdre gris. Là, petite incompréhension « faut vraiment monter là-dedans !? » C’est une sorte d’off-width, pas long mais qui paraît bien flippant (surtout quand on n’y connaît rien au off-width) ! Mais finalement après quelques timides tentatives, Rama fuit la fissure et contourne le problème par la droite, et c’est bien mieux comme ça !

P1100800Un Rama dubitatif dans la longueur du Dièdre Gris. A gauche, le sommet de la Tour Rouge, et loiiiin là haut la sortie du Pilier Central Devies - Gervasutti !

On arrive au niveau d’une bonne terrasse au pied d’un mur raide, changement de leader, à moi de prendre mon tiers de face en tête ! J’attaque tête dans le guidon pour continuer sur le bon rythme que Rama a posé, et résultat je me met un gros taquet d’entrée de jeu ! J’essaye de remonter le mur trop à gauche et c’est à muerté et sans poser de protec pendant 10m que je sors mon premier passage en tête… et bah ça commence bien ! Bon fort heureusement je corrige le tir rapidement et enquille la suite en me faisant plaisir et en filant un bon train, je saute les relais, les autres partent en tendu derrière à 60m, et ça file comme ça, jusqu’en haut de la Tour Rouge, nickel ! Un bon morceau de réglé ! Rama et Buddy me rejoignent nonchalamment en taillant la causette, puis on regarde depuis le sommet de cette fameuse Tour Rouge, la suite qui se dévoile maintenant à nos yeux : les non moins fameuses Dalles Grises ! Et bah c’est pas fini il en reste encore un bon morceau jusqu’au sommet ! Steph et Pierre descendent dans la brèche, totalement déneigée aujourd’hui, puis remonte les gradins jusqu’au pieds des dalles, je les rejoins et c’est parti !

P1100806Les Dalles Grises et toute la partie supérieure de la voie, vue depuis le sommet de la Tour Rouge

Les Dalles Grises c’est un des plus gros passages de la face, réputées pour être exposées aux chutes de pierres, et pour accueillir assez fréquemment un plâtrage de verglas et de poussière. La première longueur des dalles est une suite de petites fissures, pourvues de quelques pitons épars qui font plutôt plaisir au moral. Surtout d’un point de vue confirmation d’itinéraire que d’un point de vue d’une réelle assurance, mais c’est déjà un bon départ. Je remonte ces fissures, un peu tendu mais sans trop de mal. Heureusement elles ne sont pas verglacées, et j’arrive assez content de mon coup à une vire où j’imagine que doit se situer le relais. Là deux mauvaises nouvelles tombent coup sur coup : pas de relais en place, et la longueur suivante est verglacée ! Bien et bin il va falloir que je commence à me sortir vraiment les doigts moi !

P1100810Première longueur des Dalles Grises

Je cale un bon relais béton, steph et pierre me rejoignent, et j’entame les hostilités de la deuxième longueur. La fissure qui part en ascendance à droite au-dessus du relais paraît accueillante pour les coinceurs, mais le verglas y est trop présent pour que j’ose y mettre les pieds ! Il ne me reste donc pas beaucoup d’autres choix que de partir en traversée à droite, puis remonter tout droit dans la dalle sans protection pour aller récupérer la fissure plus haut, à un endroit où elle est sèche.

P1100811La suite... verglacée !

La traversée est facile et un piton à la fin de la trav vient me confirmer que je ne suis pas le premier à choisir cette option la ! Mais la remontée de la dalle suivante me coutera pas mal de nerfs ! 10m de remontée en adhérence sans aucune protec entre le relais et moi à part ce petit piton… purée c’est plus que concentré que je monte touuuut douuucement mes chaussons sur les bossettes un peu poussiéreuses ! Arrivé à 1m de la fissure, mon cerveau vrille, je coure subitement jusqu’à la fissure tant convoitée et y jette deux friends, ouf ! Puis ça file en trav à droite, un dernier pas encore dur, et c’est la fin de la longueur ! Relais plein gaz sur pitons et coinceur, ça s’est fait !

P1100817Rama et Pierre dans la deuxième longueur

P1100815

J’en ferai pas tous les jours des comme ça ! La longueur était censée être pourvue du seul spit de la face mais on ne l’a pas croisé. Troisième longueur des dalles grises c’est parti let’s go : droite, gauche, re-droite, re-gauche, c’est raide, y’a du gaz, mais ça fait !

P1100820Pierre dans la troisième longueur des Dalles Grises

P1100821Contents à la sortie de ces trois longueurs bien dures

P1100822Les pentes sommitales commencent à se dévoiler

Relais, les potes arrivent, et bin on dirait qu’on va se les sortir ces dalles grises ! Une dernière longueur plus facile et pour le coup bien équipée en pitons, et on prend pied sur la vire en arc de cercle, réputée pour son rocher pourri, mais aujourd’hui elle est bien sèche et nous fait tout bonnement l’effet d’une autoroute !

Dernier changement de leader, je suis bien rôti et Pierre trépigne d’impatience, d’autant plus que les longueurs suivantes ne s’annoncent pas gagnées avec la glace de plus en plus présente, il va y avoir du combat !  Changement de nœuds et c’est reparti !

P1100826Vire en arc de cercle et la cheminée pour en sortir

Et bin la sortie après la vire n’est pas à sous-estimer ! Il y’a encore des longueurs qui grimpent bien ! A commencer par celle pour quitter la vire en arc de cercle, que l’on choisit de faire sur le côté de la fissure plutôt qu’en empruntant la goulotte en glace vive du fond de la cheminée. Ça passe bien mais c’est raide et ça grimpe fort (honnêtement le topo qui parle d’un 4c en passant à droite, euuuhh c’est raide pour du 4c) ! Puis les longueurs déroulent un peu mieux, on choppe même le soleil qui commence à passer à l’ouest et éclaire le haut de la face. Puis c’est la rampe ascendante vers la gauche, on passe sous le « Nez » et là l’immense surplomb de la fin de la face ne peut plus se cacher, on ne voit plus que lui ! Énorme boulot du Buddy déchainé qui va nous sortir cette affaire d’une main de maitre : les deux longueurs pour accéder sous le toit sont parsemées de glace, et ça grimpe dans du bien raide, mais Buddy s’emploi comme un chef et nous grimpe ça bien concentré et plutôt rapidement.

P1100834

Relais inconfortable à 3 sous le toit, là un passage bien pourvu en pitons permet de s’esquiver vers la gauche mais attention il faut aller les chercher ces pitons et ça c’est pas facile, ça grimpe fort mais pas de soucis pour le Pierrot qui fait péter le métier et s’en sors hyper bien !

P1100836Pierre dans la longueur pas facile sous le grand toit

Sortie ultra esthétique à gauche, puis dernier relais dans la face, et enfin un Buddy magistral nous envoie la dernière bambée de 50m rectilignes, mi-verglacés mi-enneigés jusqu’à l’arête sommitale. Et nous voilà tous les trois en haut de la Devies-Gervasutti, putain les gars on l’a fait !!! 11h30 dans la voie, franchement content de notre coup !

P1100841Dernière longueur !

Bon comme d’hab, passé le « putain les gars on l’a fait », le temps des réjouissances n’est que de courte durée et n’a pas dû dépasser les 10min : le temps de réorganiser un peu le matos et d’enfiler les vestes et on repart sur l’arête direction le sommet de l’Ailefroide Occidentale. Et à ma grande (et mauvaise) surprise (je commence à être bien bien rôti), ça grimpe encore !

P1100843Bien calmés sur l'arête sommitale après 12h30 de grimpe non-stop !

Quelques belles incursions en face ouest dont je me serai bien passé viennent donner une ambiance des plus aériennes à cette petite traversée d’arêtes à 3900, que l’on est en train de s’envoyer avec une lumière de soleil couchant assez irréelle. Irréelle dans le sens où normalement, avec une luminosité déclinante comme ça, dans ta tête tous les warnings sont déjà au rouge et te disent « barre-toi vers le bas, barre-toi vers le bas » ! Sauf que nous notre retour vers le bas passe déjà par aller tout en haut donc on continue à monter !

P1100847Belle lumière de fin de journée

P1100849Un peu de gaz du côté où on est monté !

Buddy finit son gros boulot en tête, et c’est le sommet, purée bravo les gars, trop content de notre coup !

IMG_1873Summiiiit !

IMG_1869La Meije, La Barre, et au fond le Mont Blanc, que demande le peuple !

P1100851Sommet des Ailefroides

P1100854Le Vallon du Sélé et l'Italie

P1100853Le Pilier Sud des Ecrins s'endort tranquillement (un peu comme nous)

P1100852Mamamia comment on va rentrer !?

Maintenant reste plus qu’à… redescendre.  

La descente, dans le monde de l’alpinisme, fait bien souvent partie des sujets tabous… On revient dans l’intimité pure de la cordée, et la plupart du temps une belle bambée épique qui de finit au sommet sans accros, avec lumière de soleil couchant, bande sonore de violons et clap clap de fans applaudissant rajoutée au montage… Normalement ce genre de sortie s’achève sur un fabuleux plan circulaire aérien, avec vue sur les tronches réjouies des grimpeurs, un gaz ébouriffant sous leurs pieds… laissant place pour la suite à l’imaginaire. Le spectateur se dit « le plus dur, le plus noble est fait, le reste (la descente) n’est que formalités administratives, futilités d’usage, ou autres termes peu glorieux ».

MAIS ! Là on est à 3900m à 19h30, avec pas plus d’une heure de jour devant nous, nos duvets et nos matelas sont du mauvais côté de la montagne, et ça commence à faire un certain temps qu’on ne s’est pas posé vraiment (depuis le départ du bivouac ce matin en fait). Du coup si peu intéressant soit le sujet de la descente, force est de constater qu’il va bien falloir finir par l’aborder sérieusement. On attaque donc la descente de la voie normale, qu’aucun d’entre nous n’a déjà pratiqué. Le style est du plus pur terrain à chamois : désescalade de petits ressauts plus ou moins engagés et descente de couloir encombrés de pierres plus ou moins expos. Il faut pas trop déconner… Après 10min dans ce terrain périlleux à tenter l’exercice encordés, on se résout à ranger les cordes, elles ne peuvent rien apporter de bon là-dedans.

On continue donc décordés, puis une heure de ce sport fatiguant nerveusement plus tard, on arrive à la nuit sur un épaulement, premier vrai endroit un peu plat croisé depuis qu’on est parti le matin, avec en prime cerise sur le gâteau : un névé en place pour assurer le ravitaillement en flotte. C’est bon les gars on tient notre spot de bivouac !

P1100858Arrivée au bivouac, il était temps !

P1100855Jolie vue sur les Bans avant la nuit noire

On sort le réchaud, les sachets de thé, les sachets de semoules, et là toutes les formules y passent ! Thé, puis semoule, puis re-thé, puis semoule au thé, sans oublier pour finir l’incontournable dessert du chef : thé à la semoule. Puis vient l’heure tant attendue du repos bien mérité… 

Mon dieu qu’on se les pèle ! Un vent glacial descend du sommet droit vers nous… on se réchauffe en fabriquant l’incontournable muret de bivouac, 1h d’exercice physique en charriage de pavés plus tard, on s’installe au centre de notre citadelle après y avoir installé notre matelas pour la nuit : sac à dos étalés au sol et les cordes déroulées… purée c’est si fin que ça un brin de rappel ?! Puis on se glisse au chaud tous les trois sous la couette : une couverture de survie pour trois…

P1100860Alors il est pas confortable ce plumard ?

Une nuit glaciale plus tard, serrés comme des sardines à dormir sur la tranche pour rester sous la couverture, le soleil se lève, inutile de préciser qu’il ne réchauffe personne : c’est le moment où ça caille le plus.

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DSCN0853Départ du bivouac

On remet une dernière fournée de thé à la semoule, puis on entame le reste de la descente, cordes au fond du sac, concentrés jusqu’au pierrier !

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P1100873

P1100874Dans la descente, une loooongue désescalade.

 

P1100875Arrivée dans le Vallon du Sélé

P1100876

Un rapide coup d’œil de bien 4 secondes nous a déjà informé la veille que pour la remontée au col d’Ailefroide ou au col du Sélé on repassera une autre saison, là c’est tout en glace noire. Pas le choix, l’option Pilatte est abandonnée, on file donc en bas du vallon du Sélé, direction le village d’Ailefroide ! Rejoint à midi les pieds en compotte, une terrasse, une chaise, une bière, trop bon, c’est fait les gars !

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P1100878Loooong le valloooon !

P1100880Et voilà, calmés mais heureux sur la terrasse du village d'Ailefroide ! 

Épilogue :

Après un retour en stop des plus épiques d’Ailefroide à la Bérarde, on réussira à récupérer la voiture le jour même mais bien entendu pas nos affaires de bivouac, toujours au pied de la face. C’est donc un Pierrot-le-magnifique, qui quelques jours plus tard, reprendra la route jusqu’à la Bérarde puis le chemin jusqu’à Temple-Écrins et enfin l’infâme pierrier jusqu’au bivouac (à mort Cloute Favier et son Ravin pourri), pour aller récupérer nos sacs de couchages et nos matelas ! A la tienne Buddy, sur ce coup-là on t’en doit une !

 

Del

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Commentaires
E
Et bah moi c'est les lezards que ça m'a donné envie d'aller voir, et qui sait sur une paroi ? <br /> <br /> C'est du rêve en barre que vous vendez dans ces quelques lignes assassines, hmmm, on sent le rocher qui pique sous les doigts et le froid qui s'enfile par tous les trous !<br /> <br /> <br /> <br /> Magnifique grimpe, magnifique récit... Continuer les gars c'est extra.
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F
Merci pour ce récit passionnant, je l’ai dévoré avec grand plaisir et une grande envie d’aller voir cette voie mythique de près (mais avec une certaine crainte quand’meme...)<br /> <br /> Bravo!
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B
J'ai du bon caillou dans ma tabatière, j'ai du bon caillou tu n'en aura pas!<br /> <br /> Il était une fois 3 chamois sous une couverture en aluminium...<br /> <br /> Bien joué les affreux ça fait plaisir de voir vos têtes et de lire que vous êtes toujours aussi masos!<br /> <br /> <br /> <br /> La bonne bise!
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L
super récit !
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